Le 28 avril 1886, l’instituteur public, Pierre Gazagne achevait l’histoire de Seilh. Riches d’enseignement, ces étonnantes notes, fruit d’un travail de recherche laborieux, nous éclairent sur ce que fût la destinée de notre commune et de ses habitants durant près de deux millénaires.
Seilh change à nombreuses reprises de propriétaires
« La famille des Guizot posséda le fief du Clusel ou de la Tricherie (1) de 1457 à 1533 ; mais une grande partie de ce fief fut vendue en 1509 à noble Pierre de Boisson seigneur de Beauteville qui en fit don la même année à l’hôpital St-Jacques de Toulouse qui le possède encore (2).
A Hugues Pagès et son frère, qui en 1463, possédaient le fief de Bramofan, où était situé le château portant ce nom, succéda je ne sais comment l’abbé de Grand-Selve qui dut y établir quelque couvent de son ordre. C’est probablement de cette époque que datent ces églises ou chapelles dont on trouve encore des ruines. A l’abbé de Grand-Selve, succéda la famille de l’Hospital, qui changea le nom du fief de Bramofan, par celui d’Hospitalis. Les membres de cette famille au nombre de cinq possédèrent ce fief de 1565 à 1664.
Le terroir de Rochemontès, compris aussi au moins en partie dans la seigneurie de Seilh, était possédé par la famille de Chalvet de Rochemontès, venue d’Auvergne en Languedoc au commencement du 16ème siècle. Cette famille qui avait donné son nom à ce terroir Chalvet de Rochemontès, possédait aussi la seigneurie de Merville, qui dépendait du Comté de l’Isle-Jourdain. Cette famille de Chalvet posséda ce terroir de 1553 à 1664.
Bernard de l’Hospital, le dernier membre de cette famille, dont les affaires étaient embrouillées, vendait peu à peu toutes ses possessions de Seilh à Jean-Jacques de Lombrail, trésorier général de France à Toulouse. Ce Jacques de Sombrail était le fils de Jean Salvy de Sombrail, qui avait déjà acquis en 1661 la terre noble de Rochemontès ainsi qu’une maison et des terres à Merville, de Anne de Cassaigneau, veuve de François de Chalvet, seigneur de Merville.
A partir de 1664, la famille de Sombrail posséda le fief de l’Hospital ou Hospitalis et la terre noble de Rochemontès et le fief de Clusel ou de la Tricherie qui, après avoir été possédé par plusieurs familles, était tombé entre les mains de la famille de Percin. Ils furent coseigneurs de Seilh et un acte de transaction, passé entre Jean de Percin et Jean-Jacques de Sombrail en 1675 établissait les droits respectifs entre eux.
Jean de Percin était seigneur de Seilh, ou de la Tricherie et Jean-Jacques de Sombrail, trésorier de France à Toulouse, seigneur de Seilh ou de Rochemontès en partie. Ce Jean-Jacques de Sombrail, avait épousé la fille du célèbre Pierre Paul Riquet (3).
Jean de Percin par l’acte de transaction de 1675 confirmait à Jacques de Sombrail, tous les droits inhérents aux terres de Rochemontès et de Seilh en partie et autorisait le transport de la justice sur les terres environnant la demeure de Monsieur de Sombrail à Rochemontès.
Jean de Percin avait déjà fait en 1639 devant les capitouls de Toulouse le dénombrement de ses biens nobles et de ses droits dont voici un extrait.
« Justice moyenne, haute et basse à Seilh, ou à la Tricherie, château à la Tricherie, avec prison pour les malfaiteurs, plusieurs métairies, le ramier de la Cacho, droit d’attache d’un moulin à nef sur la Garonne, de bateau et de port sur le fleuve, de forges, d’hôtellerie et de tuilerie ».
Il y avait plusieurs autres terres possédées par d’autres familles, mais celles-ci étaient grevées de redevances envers le seigneur de la Tricherie ou celui de Rochemontès, au moins à partir de 1650.
Je pourrai continuer l’énumération que je viens de faire jusqu’en 1789, mais toutes ces notes comme celles que j’ai données se résumeraient à raconter l’histoire des procès que les suzerains et vassaux se faisaient entre eux, ou des actes de transaction, des baux de pêche de lacs, etc, etc, actes assez insignifiants.
L’histoire municipale, l’histoire des habitants de la commune, celle qui serait la plus intéressante, je ne peux l’écrire n’ayant aucun document ancien qui puisse me renseigner à cet égard, si ce n’est le Registre des délibérations, à partir de 1771.
En 1789, ce furent les nommés Boissié et Bégué le premier, secrétaire de la Mairie et le second propriétaire à Seilh, qui furent délégués par les électeurs de Seilh, à l’assemblée primaire chargée de nommer les députés aux Etats-Généraux. Il fut dressé le même jour un cahier de doléances, la délibération en fait mention.
Jean Ayrolles et Dominique Capdaré, furent chargés de représenter la commune à la fédération civique du 14 juillet 1790.
Un contentieux de près de vingt ans
De 1790 à 1808, toute l’histoire de la commune se résume en un procès qu’elles soutint contre les sieurs de Percin et du Bourg, au sujet des ramiers de la vallée de la Garonne, dont elle se prétendait propriétaire.
En l’an II de la République, la commune obtint gain de cause et ces terrains que l’on disait être communaux furent partagés entre les habitants. Le sieur de Percin qui était alors emprisonné fit opposition à ce jugement quand il sortit de prison. Ce procès traîna en longueur de juridiction en juridiction.
En 1807, la commune fut condamnée non seulement à rendre les terrains qu’elle jouissait depuis l’an II, mais encore à payer aux héritiers du Bourg la somme de huit mille francs pour les indemniser des dommages causés par cette usurpation.
Le Conseil municipal demanda vingt années pour s’acquitter de cette somme ; mais il est probable que les héritiers du Bourg ne l’exigèrent pas au moins totalement puisque le budget de la commune, pour les années suivantes ne dépasse guère cent cinquante francs.
Le Général Wellington, futur vainqueur de Napoléon à Waterloo, à Seilh en avril 1814.
En 1814, les armées alliées, qui avaient envahies la France occupèrent le village de Seilh ; mais ce fut principalement les anglais. Le Général Wellington avait même établi son quartier général au Château de Rochemontès et ce fut sur le territoire de la commune, au lieu dit la Cacho, que l’armée anglaise, construisit son pont de bateaux sur la Garonne, pour passer sur la rive droite. Le nommé Prégnac Jean, habitant de Seilh, traversa ce pont malgré la défense de la sentinelle anglaise, avec quelques-uns de ses camarades, tous enfants comme lui ;
Les habitants de Seilh, n’ont pas conservé de ce passage un souvenir si désagréable que celui que conserveront longtemps les départements envahis en 1870 par les hordes prussiennes. Les anglais se conduisirent en peuple civilisé.
LA BATAILLE DE TOULOUSE :
(D’après « Les grandes heures de Toulouse » de Pierre de Gorsse – Librairie académique Perrin)
Début 1814, les armées de Napoléon sont en déroute, la France est envahie. Dans un dernier sursaut, l’empereur va livrer batailles à la fois contre les Prussiens, les Anglais, les Russes, les Espagnols… les campagnes héroïques de 1813 –1814 ne peuvent empêcher l’Europe coalisée d’abattre celui qui a fait trembler les trônes des puissants. Devant la lassitude du peuple et sous la pression de ces maréchaux, Napoléon consent à abdiquer le 6 avril 1814.
Au mois de mars, le Maréchal Soult s’était vu dans l’obligation de quitter la péninsule ibérique, repoussé par les troupes du field-marshal anglais Wellesley de Wellington. La dernière bataille sera livrée dans l’ancienne capitale du Languedoc dont les murs sont consolidés et aménagés en prévision du siège. Toulouse devient une ville morte. Renseigné sur les dispositions prises pour défendre Toulouse, le général Anglais décide tout d’abord de franchir la Garonne à Pinsaguel, mais après un échec tente de jeter un pont de bateaux aux abords de Grenade-sur-Garonne (5). Bien renseignés, les français lancent à la dérive, des radeaux chargés de grosses pierres qui ruinent l’entreprise.
Le 8 avril, les ponts ayant pu être rétablis, les deux armées se trouvent face à face : 40 000 hommes côté français, 48 000 hommes pour les coalisés. Le 10 avril, jour de Pâques, les armées s’affrontent avec acharnement à la périphérie de la ville rose : aux Ponts jumeaux, le long du Canal du Midi auprès des Minimes, dans le faubourg Bonnefoy, vers Balma ainsi que sur le plateau de Montaudran.
La lutte est peu meurtrière compte tenu des effectifs en présence. Elle se soldera par 321 tués et 2 369 blessés pour les français et 593 morts et 4 054 blessé chez les coalisés.
Soucieux de ménager le sang de ses troupes et d’épargner Toulouse, le Maréchal Soult prend dans la soirée du 10 avril, quatre jour après la chute de l’Empire, la décision d’abandonner la ville. Wellington n’entreprend rien pour contrarier cette retraite, et les français se retirent dans un ordre parfait laissant Toulouse intacte.
(1) Le hameau de la Tricherie correspond à la zone portuaire. Il est ainsi nommé en raison de l’existence d’un tripot situé au port du Percin.
(2) En contrepartie de ce don, l’Hôpital Saint-Jacques s’était engagé à soigner gratuitement tout habitant de Seilh.
(3) Pierre-Paul de Riquet : ingénieur, né à Béziers en 1604, décédé à Toulouse en 1680. Il fut le constructeur du canal du Midi (1666 à 1681).
(4) L’instituteur Gazagne a achevé son « histoire » le 28 avril 1886, Jean Prégnac était donc né en 1798 et avait 16 ans à l’époque des faits.
(5) Selon le témoignage de Jean Prégnac, le pont de bateaux était en réalité situé sur le territoire de Seilh